La « Préhensibilité » de la réalité sociale et politique dans les films de Abdellatif Ben Ammar

Pourquoi la préhensible au lieu de la compréhensibilité?

Si la préhensibilté est utilisée quant à la saisie de quelque chose de matériel, la compréhensibilité désigne par contre ce qui est compris, intelligible et transmissible par le savoir.

Au niveau des  choix artistiques du réalisateur, c’est une certaine parcimonie pour les choix plastiques, compte du peu d’utilité de ces outils cinématographiques quant aux thèmes  de ses films. En effet, quelques tableaux furtivement visibles sont  accrochés sur les murs du foyer de Hachemi Abbes dans le film « Les palmiers blessés » introduits volontairement comme appropriation du legs d’autrui. Dans le contexte narratif du film, cela ferait partie de l’héritage colonial. Néanmoins, le réalisateur a choisi comme dirait Sébastien Denis « de dépasser la représentation du geste artistique, pour revenir au geste lui-même.

Le mouvement, le rapport au temps, à l’histoire et au monde contemporain, l’éternelle expérimentation qui est au cœur du geste créatif cf. Le film « Le chant de la noria » ou tantôt c’est Ali présenté sous une forme parodique, après un séjour de vingt ans est de retour des Etats-Unis improvise une danse de Fred Astaire, tantôt c’est l’opposé Mouldi, l’instituteur toujours fulminant qui danse, mais avec une certaine nuance, car nous sommes en face d’un processus cathartique.

Quant aux choix esthétiques, on a affaire à une abondance rationnellement répandue. En effet, ces choix ont été intensément expressifs et cela parcourt  presque l’ensemble de ses longs métrages.

A cet égard, nous constatons une gestion équilibrée de la perception du beau exprimée par le  charme de la nature, caractérisé par les images prises lors des « road movies » présentes surtout dans le film « Le chant de la noria ». Elles sont également présentes, volontairement étalées sur  les visages souvent zoomés,

Nb : Prisme, au sens de transformation de la réalité autorisant timidement, l’entame d’une légère analyse iconographique.

L’image du visage, en l’absence de dialogue, exprime tantôt l’inquiétude de la personne, tantôt  un moment de joie. Aussi, ces choix esthétiques traduisent-ils la conception homogène des aspirations et des réalisations de ce dernier.

Quant au volet du choix de diverses musiques utilisées dans les films, celles-ci sont inscrites dans le répertoire de la musique populaire rurale riche en diversité. Elles voguent de la résistance aux doléances et occasionnellement  à l’ambiance d’une  fête d’un mariage cf. le film « Le chant de la noria ». Le malouf est aussi présent grâce à Nourreddine, le musicien algérien installé à Bizerte et dirigeant une petite troupe (cf. le film  « Les palmiers blessés »). L’autre musique, celle chantée par la soprano extraite de l’opéra « les noces de Figaro » de W.A .Mozart est un signe d’ouverture sur le monde.

Cette posture de la visibilité grâce à la bonne maîtrise des techniques de l’image est manifeste au niveau des choix du réalisateur, porté par sa passion pour la photo censée refléter fidèlement la réalité.

Le volet de la réalité sociale :

Les thèmes abordés par le réalisateur gravitent principalement autour de la femme et de l’immigration exprimée par trois longs métrages : Une si simple histoire (1970), Aziza (1980), Le chant de la Noria (2002).

Le volet de la réalité politique :

L’engagement socio politique, à savoir militantisme et quête de la vérité sont exprimés par deux longs métrages : Sejnane (1974, Les palmiers blessés (2010).

A travers la fiction et un retour à des moments du passé, le réalisateur invite le spectateur à une interrogation sur l’histoire de la Tunisie et pourquoi pas la réécrire ?

L’axe de l’équivocité

Dans ces cinq longs métrages, le réalisateur nous embarque dans les champs de l’équivocité sustentée par l’ambiguïté d’un propos ou d’une situation floue, voire enchevêtrée. Son cinéma est à mon avis, un cinéma plein de signes et de messages. Il est  difficile parfois de déterminer et de spécifier le sens d’un propos tel que politique vu qu’il peut être porteur d’une pluralité de sens.

En résumé, les notions de réel, de représentation et de fiction ainsi que leurs rapports sont constamment revues dans le cinéma d’A.B.Ammar. Le réel est envisagé de manière équivoque, d’une part simple et aisément compréhensible pour certains et d’autre part enchevêtré dissimulant des connexions difficilement accessibles ou la vision devient floue et difficilement lisible pour d’autres.

Relation entre réalité sociale et politique

Dans ses films, le réalisateur, se penche tour à tour sur des sujets névralgiques tels que les moments forts de l’histoire de la Tunisie avant et après l’indépendance, la dénonciation de la propagande subversive, le silence d’une élite opportuniste quant à la déformation de l’histoire, mais aussi de la condition de la femme, de l’immigration, de l’impact de l’exode rurale, de l’émergence des nouvelles cités encerclant les villes et de l’arrivée d’un nouveau tourisme, celui des pays du golfe.

Le lien entre la réalité sociale et celle  politique est inextinguible. C’est le champ social qui enfante la dynamique politique. En effet devant une autorité politique répressive, coloniale puis locale, le discours sur la politique se fait soit ambigu soit métaphorique dont plusieurs scènes et dialogues sont évoqués par exemple dans le film « Le chant de la noria » (2002)  ou Mouldi, l’instituteur engagé, enseignant  dans le sud, évoque passionnément les poèmes du militant communiste, le poète et écrivain Salah Guermadi.

Le désir de Zeineb, femme divorcée qui tient à jouir de sa liberté retrouvée auprès de Mhamed, son ami d’enfance. Ce dernier mal dans sa peau et dépité, tient à poursuivre ses études à l’école du patrimoine en France (choix non fortuit du réalisateur) et demande à son amie de quitter ensemble le pays.

Le rappel de la trouble période collectiviste de 1969, avec la confiscation de certaines terres agricoles sur recommandations de l’autorité politique suivi du souci constant du réalisateur d’inviter le spectateur à questionner et à revisiter l’histoire doublement mutilée de son pays.  A cet effet, le refoulement alimenté par la peur de l’autorité répressive, subie par une frange consciente de la société tunisienne a eu souvent pour conséquences des manifestations sporadiques de syndicalistes et d’étudiants contestant l’ordre établi.

La quête de la vérité à travers une relecture du passé.

Relire et réécrire l’histoire est un acte de résilience face à l’entreprise de déformation systématique engagée depuis l’indépendance par l’autorité politique, fortement adossée à un parti unique refusant la liberté d’expression.

Du choix du militantisme armé (engagement dans les rangs des fellagas) parfois plus pulsionnel que réfléchi,  à l’imposture intellectuelle face au désarroi d’une femme à la recherche de la vérité sur la mort de son père, en référence respectivement aux films « Sejnane » sorti en 1974 et « les blessures des palmiers blessés » sorti en 2010 ,le réalisateur tient à ce que le spectateur fasse preuve de rétention, prend de la distance avec ce qui est clamé haut et fort par la machine propagandiste du « politique » adoubée  par une certaine élite.

A l’écoute de son temps

Néo réaliste, avant-gardiste, donneur d’alerte, possible qu’il le soit. Néanmoins, le réalisateur en tant qu’artiste est convaincu qu’il a un rôle à jouer face au silence de la double autorité politique et publique. Il se doit de créer et d’être dans la polémique, de provoquer, d’attirer l’attention, de secouer l’apathie d’une frange de la société endormie et  biberonnée par les médias publics qu’il connaît assez bien. Le réalisateur décide, appuyé par la fiction, de sonder et  d’élucider quelques plis controversés de l’histoire contemporaine du pays.

En effet, après l’euphorie de l’indépendance, le pays s’est vite retrouvé ankylosé sous l’emprise d’une autorité politique décidée à ne rien laisser aux autres tels que les opposants politiques. A cela, s’ajouterait le désenchantement né de l’inefficience de l’abandon précipité de la voie socialiste et du modèle politique social démocrate  finissant par remettre un pays décharné entre les mains d’un nouveau protectorat, celui des bailleurs de fonds.

Qu’en est-il du paradigme ?

Force de dire que nous relevons à travers la lecture de ces films un choix personnel et responsable, une absence de paradigme au sens d’une représentation ou vision de sa pensée. Par contre, nous notons ce qui conditionne son angle de perception de la réalité en réagissant par le truchement de la caméra, outil fondamental quant à l’expression de l’art cinématographique.

Le cinéma responsable

C’est là où le réalisateur donne la pleine mesure de son talent. A.B.Ammar croit à la magie et à l’arme du cinéma, à ce cinéma à la fois esthétique, captivant, mais aussi spontané et volontaire, engagé et militant. Il est important de rappeler que le réalisateur était présent en France lors de la décade 60-70 quand ce nouveau genre de cinéma avait acquis ses lettres de noblesse, grâce à des cinéastes tels que   J.Luc Godard et Chris Maker.

A.B.Ammar prend ses distances vis-à-vis du cinéma commercial et le cinéma fabriqué à la commande. Son cinéma se fixe des objectifs à atteindre dont notamment, interroger le spectateur sur son devenir.

La perception du phénomène migratoire

Morosité, désœuvrement et abattement régnant dans le pays ont poussé les jeunes et moins jeunes à partir en masses à la recherche d’un avenir et d’un brin de bonheur en dehors de la répression, de l’absence de liberté et de l’ampleur des inégalités sociales. Le retour définitif dans le pays  a toujours soulevé des difficultés d’adaptation et d’intégration au couple.

Cet axe social a été soulevé dans son film « Une si simple histoire » (1970).

Quatre décades de cinéma et d’histoire

A.B.Ammar pourrait paraître à première vue comme un réalisateur prolifique. Or, ceux qui l’ont approché savent qu’il n’est pas hâtif, qu’il prend son temps pour réunir les éléments nécessaires pour atteindre son objectif. Ce temps de latence est le temps lui permettant d’aborder minutieusement les causes derrière cet étouffement/écrasement de la population et les vicissitudes poussant certains à battre en retraite. Ce travail d’introspection et de recherche historique a heureusement enfanté cinq longs métrages ou se croisent les réalités, autant  sociale que politique.

Le réalisateur est conscient de cette fracture sociale entre démunis et nantis, entre ceux qui exercent le pouvoir et ceux qui le subissent. Il sait que l’héritage colonial d’une part et d’autre part les choix arbitraires des dirigeants politiques continueront à mettre à mal une situation chaotique et alarmante, risquant de briser ce début de cohésion sociale forgée à la faveur de la lutte pour l’indépendance.

L’abord historique

Deux événements majeurs ont été enregistrés en 1952 dont  principalement celui du 18 janvier 1952, utilisé en guise de toile de fond du film « Sejnane » (1974). Cet événement marque le début de la lutte armée contre l’occupant et l’arrestation de militants. Par ailleurs, au cours de la même année, soit le 26 Mars, l’armée coloniale assiège le palais du bey et déporte au sud Tunisien le premier ministre et trois de ses ministres (lesquels ?) en raison d’une requête formulée contre l’occupant

L’imposture intellectuelle

Néanmoins, juste après l’indépendance, la manipulation et la déformation systématique des vérités, entreprises au profit du nouveau pouvoir ont laissé des traces ineffables, parfois difficilement exprimables, tant par l’oralité que par l’écrit. Les suspicions relatives à la fameuse bataille de Bizerte qui continuent de soulever jusqu’à nos jours moult interrogations ont également incité A.B.Ammar à la réalisation de son film « Les blessures des palmiers » (2010). Il est question d’une jeune femme, Chaima dont le père Kamel Ben Mahmoud a mystérieusement trouvé la mort lors des émeutes survenues à Bizerte. Chaïma dont la mère fortement malade depuis la mort de son époux, part à la quête de la vérité, celle que l’histoire thésaurise et qu’une frange d’intellectuels et autres politiciens continuent pour de viles raisons d’opportunisme à dissimuler. Le réalisateur dénonce sans ambages cette imposture de l’intellectuel, incarné par Hachemi Abbes. Ce dernier a rédigé le récit de ces émeutes survenues à Bizerte entre le 19 et le 22 juillet 1961, laissant des centaines de morts et de blessés. Dans ses mémoires, Hachemi Abbes n’a pas hésité à falsifier l’histoire et à fabriquer la fable d’une bataille dont le beau rôle ou la conduite héroïque  revient aux représentants du parti au pouvoir. Des voix continuent jusqu’à ce jour de s’élever contre ce mutisme fautif. Mais les échos de ces voix s’évanouissent rapidement et l’énigme reste totale.

Prisme de la contestation

Le réalisateur a choisi l’art pour dévoiler une partie des plis relatifs aux problèmes auxquels fait face la société tunisienne .D’autres de sa génération se sont investis dans le syndicalisme et certains se sont inscrits dans le militantisme politique s’exposant aux brimades et aux risques d’une féroce réaction policière. Néanmoins la majorité a préféré se consacrer à son confort personnel.

Aux effets bénéfiques attendus de la succession des étapes transitionnelles survenues depuis 56, 69,86 et 95, c’est plutôt une multiplication de déceptions qui fait place. Conséquence : c’est un élargissement de la désarticulation sociale alourdissant le climat d’angoisse des déshérités abandonnés plus que jamais à leur sort. La corruption s’amplifie, consolidant ainsi les privilèges de la classe dominante et intensifiant les inégalités sociales. La répression politique et la machine de la censure alimentent la frustration d’un peuple de plus en plus assujetti et asservi.

L’introversion des activistes et d’une élite opportuniste a été bien relevée principalement dans les films « Sejnane » et « Le chant de la noria ».

La réalité sociale sous le prisme du cinéma

C’est la problématique de l’émigration avec comme première incidence, le mariage mixte. Ce thème est traité dans le film « Une si simple histoire ». Aussi, faut-il se renier, oublier son « être », s’accommoder avec un « mal-être » et adopter « un paraître » pour sauver son couple ?

A.B.Ammar est conscient du fait que la rencontre de deux cultures différentes a généré la plupart du temps un choc conflictuel et que le premier objectif de la conquête de la Tunisie après l’Algérie était d’en faire une colonie. Toute la démarche culturelle de l’occupant consistait à gommer, effacer et faire oublier toute forme identitaire ou d’ancestralité.

C’est essentiellement, la subjectivation qui, durant la vie du couple prend progressivement de l’ampleur, menant parfois vers la destruction de l’arbre généalogique. En faire de lui, un « être sans organes » débridé sans repères traditionnels, sans habitudes bref sans valeurs. Cela a toujours fini par enfanter des crises de vulnérabilité chez l’un ou l’autre du couple, conséquences de l’inadaptation au nouveau mode de vie. Ce face à face de cultures asymétriques, l’une conquérante et l’autre soumise, n’en finira pas  de susciter la discorde, en donnant lieu, dans la majorité des cas, à de douloureuses séparations.

Portrait de la société tunisienne (70_80)

Après une pause d’une décade, A.B.Ammar réalise son film « Aziza » sorti. Ce film brosse le portrait de la société tunisienne sous le double regard du personnage Aziza, jeune fille orpheline adoptée par son oncle et les difficultés de ce dernier à s’adapter à son nouveau quartier périphérique, après avoir été forcé par son fils, un garçon gagné par les chimères de l’enrichissement rapide,  de vendre sa maison au cœur de la médina. Ce déplacement a été vécu comme un véritable supplice, le forçant à se rendre tous les jours à son lieu de travail dans des conditions pénibles, jusqu’à devenir fatales pour sa santé déjà déclinante. Le vendeur des bougies est brûlé par la froideur de son caractère flegmatique et résigné. Il incarne déjà la fin d’une époque et l’avènement d’une autre empreinte d’affairisme aliénant.

Que s’est il passé au cours de cette période ?

Après l’abandon de la voie socialiste, le  pays mal préparé entre dans un modèle économique libéral hirsute, entraînant une nouvelle scission de la société tunisienne. La crise sociale survenue en Tunisie, ne diffère pas dans ses grandes lignes des crises sociales enregistrées un peu partout dans le monde. Elles sont toutes rhizomiques et ses radicelles finissent par se faufiler dans les interstices, notamment dans l’immobilier. Les cités populaires apparaissant comme un point de chute. Elles  encerclent peu à peu les villes, générant un entassement d’habitations confinées dans une fâcheuse promiscuité.

Cette nouvelle urbanisation chaotique a marqué la naissance d’un fait nouveau, représenté par l’émergence d’une certaine ghettoïsation en Tunisie et a préparé insidieusement et sournoisement la naissance du mouvement islamiste. Chez les nouveaux occupants, s’opère peu à peu un changement de conscience et de comportement. Cette fragilisation du citoyen est brillamment traitée par le scénario et la caméra du réalisateur.

Cette période est marquée également par un flux touristique d’un nouveau genre en provenance des pays du golfe. Celui là n’a pas généré a priori de conflit de nature culturelle, mais il a crée de faux espoirs et nourri la haine des marginalisés.

Que se passe t il à l’intérieur de la famille ?

Ce sont tantôt des émotions et des sentiments renfermés, à l’instar de l’amour de Ali envers Aziza et tantôt la recherche d’une nouvelle sensation par le biais de la nouvelle relation amicale de Aziza avec Aicha, une jeune actrice vivant seule avec son fils et collabore avec  la télévision tunisienne.

La voie de l’art demeure pour le réalisateur une des voies de la vérité.

Les moments de bonheur sont perçus comme rares dans les films de A.B.Ammar. Il exprime à sa manière et dans chacune de ses réalisations sa crainte d’un horizon en limbes à travers son spleen et son « écume des jours ».

La problématique de la femme

Dans son film « Le chant de la noria » (2002), c’est du traitement de la condition de la femme divorcée et de l’incertitude de son devenir qu’il s’agit. Cette femme est-elle vraiment libérée et pourra-t-elle aspirer à une nouvelle vie après le divorce ?

Cette femme divorcée est consciente qu’elle est la propriété d’autrui, de son mari, de son frère, de sa famille etc. Ecrasée par tous, elle envisage le divorce comme un moyen de délivrance. Mais, elle apprend à ses dépens que ce divorce est un leurre, car la pression continue, le harcèlement de l’ex-mari a doublé d’intensité et le poids de la tradition est encore pesant.

La société tunisienne en proie à des difficultés sociales et économiques est confrontée à une panoplie des vices : le mépris, la haine, la rancune et la vengeance etc. On se retrouve simplement dans le « ressentiment » de Dostoïevski avec son coté tragique de la liberté humaine.

La réalité politique sous le prisme du cinéma

De l’imposture intellectuelle

Les événements dramatiques survenus lors des émeutes de Bizerte en 1961 n’avaient rien d’une guerre traditionnelle où deux armées s’affrontent. La fiction A.B.Ammar porte sa réflexion sur l’imposture intellectuelle. Le film « Les blessures des palmiers » n’est pas seulement un film historique. Il est avant tout un procès de l’Histoire, telle qu’elle est écrite par une clique de fossoyeurs de la vérité.

C’est un  conflit inégal entre d’un coté le poids du silence intentionnel de l’autorité et la démission de l’intellectuel ; et de l’autre, la volonté de Chaima qui tient à connaître la vérité sur les conditions du décès de son père. Mais l’enjeu de cette quête de la vérité s’avère plus ambitieuse, car au-delà du cas du géniteur, ce sont des volontaires, venus de différentes régions du pays engagés à défendre la patrie, les mains quasiment désarmées,  mais sacrifiés telle une chair à canon sur l’autel d’un discours nationaliste enflammé, qui charrie les relents d’une redoutable propagande au service du régime

A.B.Ammar dénonce la subversion de l’intellectuel, son manque de courage et de sobriété pour affronter la vérité et décliner par opportunisme dans la falsification de l’histoire. Il reproche à l’autorité politique et publique et aux fonctionnaires qui écrivent l’histoire, leur  disjonction des faits et leur  narration « pré explicative ».

Du pouvoir politique

A travers ses deux films respectivement « Sejnane » et « Les blessures des palmiers » Ben Ammar a dénoncé la toxicité du politicien à travers les avatars des choix politiques hasardeux et saugrenus adoptés depuis l’indépendance et la perversion de l’intellectuel.

Aussi, estime-t-il que le cinéma en tant qu’art et outil d’expression se doit de participer au processus politico social de redéploiement du pays après sa colonisation.

Reste, la réalité est toute différente. Le sang des patriotes a coulé à plusieurs reprises particulièrement en 1952 et 1961. La vérité relative au mépris de la légitimité historique demeure jusqu’à nos jours une énigme. Le discours itératif de la politique reste présent et fait encore la une des médias comme si rien n’avait changé.

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